Je n’étais pas vraiment du genre à me plaindre pour des petites choses, étaler ma vie, me vanter que je vis vraiment les pires choses, et qu’on devrait me prendre en pitié. En fait, ce n’était pas mon genre, du tout, parce que non seulement, je détestais me faire prendre en pitié, mais en plus, j’étais une fille forte, il m’en fallait beaucoup pour être dépassée par les événements, et il m’arrivait que trop rarement, voire jamais, de craquer sur tout ce qui pouvait m’arriver. J’étais faite ainsi; j’avais du caractère, et ceux qui se plaignaient pour absolument rien étaient faibles, et je ne voulais en rien leur ressembler.
Par contre, en ce moment, j’avais l’impression que tout me tombait dessus en même temps. Ces dernières heures avaient été particulièrement pénibles. Premièrement, la veille, j’avais fait un malaise durant mon quart de travail au café. Cela ne m’arrivait jamais, mais c’était plutôt embarrassant, surtout que j’avais renversé du café partout sur mes vêtements et sur le sol, et que personne n’était disponible pour nettoyer ce que j’avais fait, sans parler des regards des clients, quoique ça, je m’en foutais un peu plus. Ce qui m’énervait, c’était probablement de passer la journée avec des vêtements chauds qui sentaient le café à plein nez. Inutile de dire que lorsque je rentrai chez moi, j’étais complètement crevée, et ma journée ne se terminait pas là; je devais aller travailler au club de strip-tease.
Quand tout fut terminé et que je rentrai chez moi à trois heures du matin, je n’avais même pas pris la peine de me changer, j’étais allée dormir avec mes vêtements de « travail », c'est-à-dire le genre de robe tellement serrée que tu as du mal à respirer dedans. Je me réveillai donc toujours habillée de la sorte, mon maquillage complètement défait. Et il fallait que je retourne travailler au café, alors que je ne me sentais pas bien du tout. Ça, mon colocataire l’avait vu, et voulait que je n’y aille pas, mais je lui avais dit que je devais y aller. Et encore une fois, cela faisait quelques fois que cela arrivait depuis que j’avais appris que j’avais un cancer, nous nous étions pris la tête, et j’étais partie complètement frustrée. J’avais juste pris la peine de me démaquiller, enfiler un jean et un haut noir, et finalement partir, décidant de passer le moins de temps possible dans l’appartement.
Finalement, ce fut mon patron qui décida de me renvoyer chez moi quand j’engueulai un client parce qu’il avait passé une remarque qui m’avait déplu sur ma personne. Normalement, cela ne me dérangeait pas, mais quand j’étais irritable, je prenais tout personnel, et je pouvais devenir agressive. Mon patron était compréhensif, c’était comme un gros nounours, et il me convainquit que je ne pouvais pas rester, et que je devrais repartir chez moi. Mais si je retournais chez moi, je tomberais face à face avec Jayden, et ça, je n’en avais pas envie pour le moment, parce que je ne m’étais toujours pas calmée de tout ce qui était arrivé.
Je décidai de marcher comme ça, au hasard. Je ne sais pas combien de temps cela dura, mais quand je m’arrêtai, il commença à tomber un orage. J’étais maudite, c’était vraiment un signe. Autant me laisser crever le temps que j’y étais… Ouais, c’est ça que j’allais faire; m’installer dans une cabane en bois que je trouvai, qui était déserte, et pleurer, pleurer comme je n’avais jamais pleuré dans ma vie, parce que je ne pleurais jamais ou presque, et juste attendre, me laisser crever s’il le fallait. J’étais à bout de nerfs, je n’en pouvais plus.
| |