Le verdict du médecin était tombé hier soir; il allait appeler le service de cancérologie de l’hôpital pour qu’ils soient prêts à me donner mon premier traitement de chimiothérapie le lendemain matin. La nouvelle m’avait fait un choc; j’en avais pourtant pour encore une semaine avant de devoir commencer quelconque chimiothérapie ! Apparemment, le cancer qui me rongeait s’était davantage propagé que le médecin se l’était imaginé, et pour prévenir tout risque qu’il devienne incurable, le traitement devait commencer le plus rapidement possible.
Donc, en sortant de chez le médecin, je rentrai chez moi, muette comme une tombe. Je préparai un sac avec des vêtements, des bouquins, des films, mon IPod, une boîte de Pringles, bref, tout ce qui pourrait potentiellement me divertir pendant ce premier jour à l’hôpital. Normalement, si tout se passait bien et que je n’étais pas trop fatiguée, je pourrais sortir le soir même, rentrer à l’appartement, et retourner à l’hôpital seulement le surlendemain. J’essayais de ne pas trop m’énerver, mais Zephyr et Jayden l’avaient vu; la chimiothérapie, la possibilité que je ne puisse pas m’en sortir, ça me terrifiait à mort, littéralement ! Zephyr prenait ma place au café le lendemain, et Jayden allait chercher mon frère à l’aéroport, donc je devrais me rendre à l’hôpital toute seule.
Quand le lendemain matin arriva, encore une fois, je ne dis pas un mot, et je laissai Jayden me conduire jusqu’à l’entrée. Le moment que j’avais tant redouté était finalement arrivé. Et étrangement, tout sembla se passer plus vite que dans les idées que je me faisais de ce moment en particulier; dès que j’eus donné mon nom à l’accueil, je fus conduite dans une salle, où je dus me changer pour enfiler une robe d’hôpital toute pourrie, et tout de suite après, on m’emmena en chimiothérapie, où apparemment, les médecins m’attendaient déjà.
Ce que le docteur m’expliqua pendant que je passais des tests avant le traitement, je ne m’en souvenais même pas. En fait, ce genre de chose, je n’en avais rien à faire. Ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient, tant que ça me débarrassait de cette cochonnerie. Mon interlocuteur semblait l’avoir compris, puisqu’il accéléra ses explications, et finalement, le traitement commença.
Tout ce dont je me souvenais quand je fus conduite dans une chambre à part pour me rétablir, c’est qu’alors que je pensais que j’étais forte, que je pourrais être en train de déconner sur la situation avec mes meilleurs amis et mon frère, j’étais clouée dans mon lit, et je ne savais pas si un jour la force de me lever me reviendrait. Le premier traitement m’avait complètement assommée, et même si le médecin avait dit que c’était normal, moi, qu’on le veuille ou non, ça me faisait vraiment, vraiment ch***, et ce sentiment ne fit que s’accroître quand, allongée sur mon lit, les yeux fermés après avoir vomi ce qui semblait être tout mon petit-déjeuner, j’entendis une voix familière, celle de Rowan, mon frère, que je n’avais pas vu depuis cinq ans. J’aurais tellement voulu l’accueillir autrement, mais apparemment, le destin – le salaud – en avait décidé autrement. Au moins, j’eus la force de prendre un de mes oreillers et de lui balancer dessus mollement avant de dire :
- Je l’ai su hier soir, et justement, si j’suis là, c’est pour pas mourir, grand crétin !
J’avais décidé de ne pas l’appeler pendant qu’il était en vol pour lui dire que je ne pourrais pas venir le chercher à l’aéroport comme prévu, que j’allais être à l’hôpital et que Jayden allait l’y conduire, comme il avait fait très exactement. De toute façon, même si je lui avais dit, qu’est-ce qu’il aurait pu faire d’autre ? Maintenant, suffisait de tenter de le rassurer pendant qu’il était là. D’une voix rauque, je rajoutai, après une pause pour reprendre mon souffle :
- Maintenant, arrête de pleurer, et viens me faire un câlin, tu m’as manqué.